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QUE LA fORGE SOIT AVEC TOI (SUITE ET FIN)


Jihaif
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La Baleine, 2 jours plus tard

Le ciel bas s’étire en nuages gris que le vent pousse à bonne allure au dessus de la campagne normande. Curieusement, les arbres restent immobiles alors que seul, un couloir d’air actif semble souffler en altitude. Le regard perdu dans la fenêtre, GIL se prend à rêver de ces films tournés en accéléré où les nuages glissent à toute vitesse comme un revêtement déroulant qui n’en finirait pas. Notre homme, marin habitué aux sautes d’humeur de la planète, sent dans sa chair venir la pluie. Petite contrariété passagère certes mais suffisante pour prolonger ce petit déjeuner au delà du raisonnable alors que la forge appelle.

Les enfants déjà partis depuis le matin et seul avec Perrine, il profite de cet instant où rien ne bouge dans la maison, ou le temps se fige, pour mieux devenir spectateur de l’autre temps, celui où il se passe quelque chose à l’extérieur de la bulle de quiétude. Le petit déjeuner traîne donc en longueur et c’est d’un sourire béat et tendre que notre Gil accepte la deuxième tasse de café que lui propose Perrine. Tel un chat langoureux, il déguste à petites gorgées le liquide encore chaud et se dit qu’après tout, ces instants là méritent bien d’être vécus. Il hésite à reprendre une part de brioche…

Le chat Merlin lui aussi a compris depuis le matin qu’il ne fallait rien attendre de cette journée et, vautré sur son coussin dans le fauteuil en bout de table, rêve à des jours meilleurs remplis de musaraignes courant dans l’herbe.

Deux coups de sonnette rompent d’un seul coup le charme de ce tableau et rappellent Gil à la réalité.

« C’est le facteur : il sonne toujours deux fois… »

Le rire de Perrine l’accompagne encore quand il se lève pour sortir et accueillir le fonctionnaire de la poste qui lui remet un colis.

Gil regarde la provenance et comprend qu’il reçoit le colis contenant le proto du couteau dont lui a parlé Jihaif.

Avant de se rasseoir à la table, il se souvient de la recommandation et se munit d’une feuille de papier et d’un crayon.

Il ouvre un peu perplexe la boite et se recule vivement lorsque le dernier papier soulevé dévoile le contenu. Perrine se penche à son tour et voyant l’objet ne peut retenir un :

« Dis donc ton copain, il donne dans le morbide non ? »

Mais la chose devient franchement irréelle lorsque la Main s’anime et soulevant le couteau de bois le tend comme une offrande à Gil qui, tétanisé, se dit que vraiment, cette journée n’est pas ordinaire.

Merlin aussi détecte l’anomalie dans cette stase d’espace/temps et se dresse, le poil électrisé en fixant la Main. Doucement, sa peur décroît et d’un bond prudent, il saute sur la table pour venir regarder de plus près cette curiosité.

Prudemment, Gil saisit le proto et tout en le décortiquant des yeux et du toucher ne quitte pas la Main. Cette dernière fait ami ami avec Merlin et le chat oublie définitivement toute crainte lorsque la dernière phalange de son index entreprend de le gratter à la commissure des lèvres. Ce comportement lève d’un seul coup la tension du moment et Perrine et Gil ne ressentent plus l’angoisse née de cet insolite évènement.

Perrine prend l’objet à son tour et le regardant de dos s’exclame :

« Tu as vu, on dirait un corps de femme : les seins, la taille, les hanches….. »

L’esprit un peu paillard, notre Gil lui rétorque :

« Oui tu as raison mais il est vrai qu’il n’y a rien de mieux qu’une main d’homme pour apprécier les courbes féminines. C’est de l’ergoanatomie ! »

La main prend le crayon et commence à noircir la feuille.

Une longue discussion s’engage entre le forgeron et la Main.

Ce qu’ils se disent je ne le sais pas mais entre ces deux hommes de l’art, le dialogue doit être fructueux et passionné car Gil, emportant la main et le proto file vers la forge, bien décidé cette fois à se mettre à l’ouvrage.

Un mois plus tard :

Gil m’informe que le couteau, fini, n’attend plus qu’une adresse pour venir me rejoindre. Je lui donne celle de mon Jacques chez qui je passe une semaine.

Je lui demande quelques photos pour satisfaire mon envie de gamin mais il ne veut pas m’en envoyer…

« Tu découvriras la chose sans arrière pensée, sans préjugé pour l’aborder vierge de tout à priori."

Ah le fourbe, il me fait payer à son tour le tour joué par l’envoi du proto et de la Main.

Deux jours plus tard, le colis attendu arrive.

Je l’ouvre sans rapidité, me délecte de l’instant car, c’est connu, le meilleur moment, c’est quand on monte l’escalier !

Enfin, je découvre ce couteau, fruit d’une collaboration extraordinairement chaleureuse avec l’homme que vous connaissez, talentueux, curieux, passionné et modeste.

Un mot accompagne l’objet.

Ce mot, exigeant de mon jugement montre à quel point Gil reste exigeant envers lui-même.

Ce mot, personnel, je le garderai toujours comme le sceau d’une amitié rare.

La main reste auprès de Gil et sa place est avec lui. Elle doit passer une vie merveilleuse à découvrir avant nous tout ce qu’il conçoit.

Aux dernières nouvelles, Gil lui aurait gravé en scrimshaw un motif sur une phallange.....

Lame XC75

Trempe sélective

Emmanchement sur soie

Manche : doussier

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gil5sn1.jpg

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Edited by Jihaif
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Pour l'avoir eu en main, c'est un vrai ergonomique à usages multiples. :115:

Le XC75 assure les qualités de robustesse et coupe.

Quand au doussier, son côté plus granuleux que les essences plus communément utilisées, donne un impression de grip anti glisse. :29:

Félicitations pour cette réalisation due aux talents conjugués de Jihaif et Gil sans oublier les talents de narrateur de notre ami :23:

Edited by geziari
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Grand couillon, mes cheveux (si si, il en reste) se sont dressés sur la tête et un frisson m'a parcouru au moment ou les poils de Merlin se hérissent en voyant La Main !...

C'est malin ! :rolleyes:

Beau résultat, les compères :29: Même si je ne suis toujours pas fan de ces formes exotiques, la réussite est bien là : le design est équilibré et paraît très efficace autant dans la puissance que dans la finesse. :115: :24:

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Jean Francis ...

j'ai savouré ce récit depuis le début .....Chaque mot , chaque phrase est un vrai plaisir .....

Mais il reste avant tout une belle histoire d'amitié et de collaboration ....

J'aime le terme "d'ergoanatomie"...je trouve qu'il illustre parfaitement notre quete commune .....La nature est débordante de courbes .....et ce manche aux formes étonnantes l'est tout autant par son confort ergonomique....

La lame est très proche de celle que tu as imaginé et revé bien avant que l'histoire ne commence concrètement .....Je la trouve totalement adaptée et cohérente à l'ensemble .....la modifier aurait été une grave erreur ......mais elle ne constitue qu'une partie du projet ....

Car le vrai défi résidait bel et bien dans le manche ...............

Chercher la "multi préhension "....sans tomber dans l'excés de formes......tout en restant dans le beau ....

Je n'ai pas eu grand chose à faire sinon me conformer au proto ....tout y était ...la forme ,l'esprit ,les dimensions

Quant au reste , à l'impalpable .....Nous l'avions établi lors de nos discussions et de nos mails .......

Je n'oublies pas GILAIF qui a retrouvé l'odeur du charbon de forge et qui m'a fortement inspiré et motivé ....je lui dois un rythme de travail que je ne me soupconais pas ....le bougre a gardé une grande énergie ....j'oserai ...."il n'a pas perdu la main ...."

Mais j'aimerai surtout parler de ton imaginaire débordant , de ta grande sensibilité ,de l'immense curiosité ,de l'énorme gentillesse qui te qualifient .....

UN GRAND MERCI ......pour m'avoir fait confiance et pour m'avoir embarqué dans cette belle aventure ;)

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Il est de ces recits qui nous font les témoins d'une amitié rare... Que dire de plus, mis à part qu'à lire, regarder les photos, je ne peux qu'imaginer, rêver la communication, l'élan qui vous a animés tous les deux pour donner naissance à l'objet fini... Oui, je n'ai pas honte de le dire, vous m'avez ému... Par les temps qui courent cela rassure de voir que de telles relations existent toujours...

Hommes de Bien, merci pour tout ça...

Très , très amicalement.

Th.

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Je pars une semaine bosser en Alsace :wub: et je découvre à mon retour avec surprise et bonheur que deux pèlerins ont plutôt sévèrement bossé.

Une grande leçon de complicité Messieurs, bravo.

...une troisième main...quel rêve à l'âge des plaisirs adolescents :rolleyes: ...j'suis désolé j'ai pas pu résister.

Edited by FREDERIC
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Merci à vous de vos témoignages spontanés et amicaux.

Les photos ne rendent pas toute la vérité mais Gilles a su, en modifiant subtilement le proto me surprendre avec l'objet fini.

- il a remonté l'émouture jusqu'à la cassure de la ligne du dos ce qui donne un aspect moins massif à la lame d'origine

- la bague de bronze est taillée en 1/2 cuvette sur le dessus pour épouser parfaitement l'appui du pouce et reçoit 2 facettes sur lesquelles la lumière joue à plaisir et semble animer l'objet, lui donner vie.

- les courbes du dessous et du dessus à l'emplanture de la lame sont allongées et l'élégance y gagne sans fragiliser l'ensemble

- la ligne de trempe mais bon, on connait maintenant!

- le polissage total satiné à la place de la calamine à laquelle je m'attendais est cohérent avec le coté biodesign moderne du manche.

La réalisation va donc très largement au delà de mes attentes et .......le bonheur est total.

Bien joué l'artiste!

Edited by Jihaif
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